Speed Writing #1
Speed Writing #1

Speed Writing #1

Contexte : écrit réalisé lors d’une séance de Speed Writing (écrire le plus possible en un temps limité sur un thème donné aléatoirement) le 18/01/2025

Thème : Un monologue intérieur d’un personnage jaloux.

Durée : 25 minutes

Je n’ai jamais vu ça. Je me demande même comment c’est possible. Une bouse pareille ! Le type en caleçon qui se promène sans honte et qui rafle tout. Ne sait même pas aligner trois mots, ou à peine, juste assembler des pièces de viande desséchées pour faire croire à de l’art. Alors qu’il n’a rien dans le ventre, qu’il est prétentieux comme pas possible, qu’il n’a jamais eu à faire le moindre effort. Que tout lui tombe dans la main pour ainsi dire. N’a qu’à ouvrir le bec. Comme un moineau. Ah ça ! Je lui en mettrai des coups de bec à cet imposteur. Belle gueule par contre. N’a qu’à jouer là-dessus. Ouvrir la main et récolter le blé que la populace lui verse dedans. Un seigneur. Facile. Seigneur des escrocs. Des gains faciles. Mais si on pouvait seulement révéler sa filouterie. Montrer enfin au monde qui il est. Ah, ce que la vie serait plus simple. Ah ce qu’il y aurait enfin de justice. Ah ce qu’il y aurait enfin peut être une preuve. Une preuve de quelque chose de beau. De véritable. Un doigt pointé vers l’absolu, et une lumière qui s’en dégage. Plutôt que ces ténèbres tout le temps. Ces mensonges. Ces mensonges ne sont qu’une face de la nuit, qu’un murmure dans un cauchemar. Qu’un cri qu’on étouffe dans l’oreiller tellement il est faux. Mais lui en joue ! Et bien. Pas un amateur pour le coup. Un professionnel de l’entourloupe. Ne m’arrive pas à la cheville d’ailleurs. Ne sait que poser, que jouer, que montrer au monde le visage de son propre mensonge. N’a qu’à montrer ses beaux mollets de coq pour qu’on l’applaudisse. N’a en réalité aucun talent. Aucun génie. Aucune importance. Parade comme un paon. Alors qu’il ne faudrait faire que tout le contraire. Que se cacher comme le monstre que l’on est. Ne jamais jouir du fruit de ses efforts – et encore, quels sont ses efforts à lui –, ne jamais chercher le miel dans la fleur avant d’avoir butiné des heures durant dans l’ombre des herbes sèches et arbres morts. Et pourtant. Ce scélérat. Ce bandit. Récolte tout. Sans bouger d’un pouce. Récolte cent fois plus que moi. Cent plus qu’un autre. Récolte la gloire, les lauriers et le cul de la voisine. Sans un gramme d’efforts. Sans un centimètre de sueur. À quoi bon dans ce cas ? À quoi bon continuer ? À quoi bon œuvrer ? À quoi bon suer, et pleurer et geindre dans le sang et les larmes ? Si tout peut être si facile pour un autre. S’il n’a qu’à claquer des doigts, ou moins que ça même, claquer des doigts serait encore un effort dont il n’a pas besoin. Juste se montrer, être là. Récolter, le blé et le miel et les jambes. Alors quoi ? Arrêter là ? Jamais de la vie. Mais que faire. Le truander peut-être. Oui sans doute. Le surprendre une nuit au coin d’une rue et lui planter une dague dans le cœur. Et sourire devant la mort de ce vaurien. Ou le trouver dans son sommeil et l’étouffer dans l’oreiller. Le regarder se débattre en vain. Le regarder s’agiter enfin dans cette vie facile pour quelque chose. Pour mériter quelque chose, pour mériter encore un peu de vie, encore quelques minutes. Ah. La vie est si triste. Si injuste. Dire que certains n’ont qu’à cligner de l’œil pour obtenir les lauriers. Alors que d’autres… D’autres pourraient suer toute leur vie pour des miettes de gloire. Et encore. De gloire ? Des miettes de pain. Du pain rassi. De la farine sèche. Il ne reste finalement peut-être qu’à contempler la tragédie, le mensonge, les escrocs, et à abdiquer. À les regarder soulever le monde d’une pichenette et manger la meilleure viande et boire les meilleurs vins. Et juste se cacher dans l’ombre. Juste mettre un genou à terre et reconnaître la défaite. Laisser la place aux imposteurs. Ils nous éclipsent tant. Leurs dents blanches et leurs sourires étincelants. Alors que nous, nous ne sommes finalement rien. Nous ne sommes que des monstres qui se vautrent dans la boue en pensant que ça a un sens. Nous ne sommes finalement que les escrocs, escrocs du bon sens, escrocs du travail acharné, car nous ne croyons encore que trop à quelque chose qui n’existe pas. Certes. Mais pourtant. Le voir saigner. Le voir enfin souffrir. Sait-il au moins ce que c’est que la souffrance ? Il faudrait peut-être bien lui apprendre. Avant. De songer. À partir.

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