Speed Writing #4
Speed Writing #4

Speed Writing #4

Contexte : écrit réalisé lors d’une séance de Speed Writing (écrire le plus possible en un temps limité sur un thème donné aléatoirement) le 25/01/2025

Thème : Une femme trouve une lettre écrite par elle-même, mais qu’elle ne se souvient pas avoir rédigée.

Durée : 30 minutes

Quand elle se réveilla le lendemain de cette horrible nuit, des larmes sèches sur les joues, les joues encore rouges, les yeux encore mouillés et cette douleur partout dans son corps, dans ses os, dans son ventre, Louise eut du mal à sortir de son lit, à poser le premier pied à terre, à émerger, à reprendre de la constance, à revenir dans le monde. Elle semblait avoir été écrasée, décapitée, brisée, chaque os, chaque os était comme brisé, écrabouillé, et elle revoyait en souvenir, en songe, des images de cette soirée tragique. Le bar dansant, l’individu grossier, sa colère, les rues, la nuit, Nicolas assis sur cette foutue terrasse, son air ailleurs, tranquille, et ses mots. Surtout ses mots. Ses insultes. Ses crachats. Son crachat. Et ce qu’il lui avait dit « tu n’es qu’une erreur. »

Odieux personnage, se dit-elle. Pauvre type. Pauvre petit type. Alors que je peux avoir le monde à mes pieds. Que je peux avoir tous les hommes à mes pieds. Mais lui. Lui… Qui me crache dessus. Qui m’humilie ainsi. Alors que… Cette nuit-là… Pourtant… Et les jours suivants… Et le soleil, enfin. La joie. Cette joie dont j’ai temps besoin. Cette vie que j’aime tant. Cette félicité. Tout allait si bien. Pourquoi… Tant de mépris… Pauvre homme…

Elle se leva enfin de son lit, dans cette pauvre nuisette rouge qu’elle ne voulait plus quitter depuis ce fameux soir, depuis qu’il avait posé ses mains dessus, depuis qu’il l’avait étreint avec de temps de désir et de passion, avant qu’il ne gâche tout, qu’il ne salisse tout, comme si tous ces hommes n’avaient que ça en tête, la prendre un soir, comme un festin, comme un trophée, et la laisser là, l’abandonner, et lui cracher à la figure.

Elle rangea quelques affaires qui traînaient, un pantalon sale, des mouchoirs remplis de larmes, un rouge à lèvres, et sur la table, il y avait ce papier, cette feuille noircie, remplie de mots, de larmes aussi peut être, et qui ne lui rappelait rien, qui la laissait songeuse, et triste aussi, et mélancolique.

Elle s’approcha de la table, se demanda de quoi il pouvait bien être question, si un lutin ou un diablotin lui avait fait une farce, lui avait écrit un mot pendant la nuit, ou un ange gardien peut être qui veillait sur elle, car elle avait sans doute méritait une telle bénédiction, un tel soutien, et que c’était sans doute de ça dont il était question, comme dans les films à l’eau de rose, dans lesquelles les pauvres femmes comme elles, les pauvres femmes trahies et humiliées et piétinées trouvaient un jour un soutien inattendu, et salutaire, sans rien demander.

Elle attrapa la feuille, et tous ces mots, toutes ses phrases qui l’intriguaient, et au premier coup, elle eut un pincement au cœur, et presque de la nausée, et mit une main sur son front puis sur son ventre, et devant sa bouche comme pour se retenir. Tous ces mots, et toutes ces phrases, et surtout toutes ces lettres lui semblaient si familiers, si proches, et cette écriture, elle n’avait aucun doute, c’était bien la sienne, c’était bien sa main qui avait pris un stylo sans doute dans un moment de détresse la veille et qui avait écrit ça, mais elle ne s’en souvenait plus, doutait même de cette possibilité, de cette réalité, et pensait que ce n’était là peut être qu’une machination, et surtout, et son cœur se serrait encore plus au fur et à mesure qu’elle devait se rendre à cette évidence, le contenu du texte lui révélerait vraiment si c’est elle qui avait écrit ce texte, et ce qu’elle avait bien pu écrire.

Elle parcourut les lignes, et les phrases, et les mots, longtemps, longuement, et au fur et à mesure qu’elle avançait dans sa lecture, et dans ces émotions qui débordaient de ce texte, elle ne pouvait que se contenir de pleurer, d’hurler, de crier, ou de déchirer cette feuille. Tout, tous les mots, toutes les phrases, toutes les lettres ne pouvaient venir que de sa main, que de sa plume, que de son coeur, elle en était certaine, et convaincue, et tout ne menait qu’à une seule personne : à lui.

Mon Dieu, se dit-elle. Comment ai-je pu écrire cela ? Non c’est encore plus compliqué, je suis capable d’écrire cela, je suis capable de telle phrase et de tel mot, c’est évident. Mais comment se fait-il que je me souvienne plus de tout ça. De cette douleur, de ces larmes, de tout ce que j’ai mis dans cette lettre. Car tout est juste. Tout est vrai. Il n’y là a que la vérité. Que le calvaire d’une femme méprisée, d’une femme humiliée, d’une femme bafouée. Et pire, d’un amour. Car il y avait de l’amour, que cet homme le veuille ou le non, il y a de l’amour entre nous, et cette lettre, et ces mots et ces phrases, ne font finalement qu’une chose, jaillir cet amour. Car il jaillit de partout. Il ne sait pas, mais c’est de l’amour qu’il y entre nous.

Elle continua sa lecture, et à la fin, recommença depuis le début, et encore, et encore, jusqu’à revoir finalement sa main, et cette horrible soirée, et cette nuit, et ces larmes, et sa douleur et sa détresse qui la poussèrent à prendre la plume et à écrire tout ce qu’elle avait sur le coeur, car il n’y avait là dans tout ce texte, rien d’autre que tout ce qu’elle avait dans le coeur, rien d’autre que des larmes, ses larmes, et rien d’autre que de la détresse.

Elle reposa finalement la feuille sur la table, essaya ses yeux et ses larmes, fit quelques pas dans son appartement, regarda son canapé et repensa à cette nuit incroyable et pleine de passion pendant laquelle il l’avait prise et étreinte ici même et elle était convaincu d’une chose : il fallait qu’elle lui donne, il fallait qu’elle lui remette, il fallait qu’il sache, tout ce qu’elle avait sur le coeur, toutes les larmes, toute la détresse, toute la douleur. Il fallait qu’elle lui remette cette lettre qu’elle ne se souvenait même plus avoir écrite tant la douleur avait pris le dessus. Elle la mit dans une enveloppe, s’habilla et descendit les quatre étages, pleine de détermination.

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